Provision sur client
Dans notre cours suivant de comptabilité, on étudie l’écriture à passer au journal lorsqu’une facture client demeure impayée. Ici, il s’agit d’anticiper comptablement cet impayé, et de comptabiliser le risque de ne pas être payé. C’est donc une écriture de provision, et comme toute provision, celle passée sur des clients doit être ajustée d’une année sur l’autre.
A la clôture, on constate qu’un client n’a pas payé une facture. Il a été relancé, mais le problème est lié à un litige. Éventuellement une procédure judiciaire est en cours.
Provisions et principe de prudence
Le principe de prudence est l’un des grands principes comptables. Il oblige à prendre en compte en comptabilité les évènements négatifs dès qu’ils surviennent. Ainsi, un risque de perte sur un client doit pouvoir apparaître dans les comptes de l’exercice durant lequel le litige apparaît.
Cette anticipation comptable des pertes est essentielle quand on sait que les procédures judiciaires s’étalent le plus souvent sur plusieurs années. Ainsi, les tiers de l’entreprise (actionnaires, banquier, fournisseurs...) ne risquent pas de découvrir du jour au lendemain que l’entreprise connaît des difficultés financières suite à une décision de justice par exemple, car le litige correspondant aura été inscrit dans les états financiers dès son apparition :
– Au bilan : les créances sur lesquelles existe un litige sont isolées dans un compte de n°416 : "clients douteux".
– Au compte de résultat : les pertes estimées sur une créance client sont ajustées chaque année en fonction de l’évolution du dossier client, des recouvrements éventuels, des échanges de courriers, des démarches commerciales ou judiciaires...
– En annexe : toutes les explications nécessaires figurent dans le détail des créances clients.
Provisionner un compte client
Provisionner un compte client consiste :
– à sortir une créance client sur laquelle existe un litige du compte général n° 411 clients (où la facture de vente a été enregistrée initialement) et à l’enregistrer dans un compte n°416 clients douteux où toutes les factures "à problème" sont réunies au bilan,
– à constater une charge comptable du montant de la perte estimée sur cette facture.
Par exemple, une facture de 41.860 euros TTC a été émise le 19/09/2013 pour des travaux effectués chez M. Mesdon. Au 31/12/2013 (en réalité, à la date de clôture de l’exercice 2013, c’est à dire dans les premiers mois de 2014), la facture n’a toujours pas été réglée. Un courrier envoyé par le client souligne une erreur de facturation par rapport au devis initial de 3.588 euros TTC. Le commercial de l’entreprise reconnaît qu’un écart existe effectivement entre la facturation et le devis (devis assez mal rédigé au final).
Durant l’exercice 2013, la situation ne va pas se dénouer. Le client a versé le total du montant dû selon cette facture sur un compte séquestre. Désormais, c’est une remise de 20% de la facture qu’il demande par le biais de son avocat (soit 8.372€ TTC). A la clôture de 2014, l’affaire est en attente de jugement.
Finalement, le 25 juin 2015, le tribunal commercial donne gain de cause à M. Mesdon. Ce dernier règle donc que 33.488 euros TTC à la société.
Récapitulatif :
Exercice | Evènement | Montant TTC | Montant HT |
2013 | Facturation Litige |
41.860€ 3.588€ |
35.000€ 3.000€ |
2014 | Procédure en cours, perte potentielle 20% | 8.372€ | 7.000€ |
2015 | Jugement TC perte certaine 20% | 8.372€ | 7.000€ |
Provisionner ce compte client demande donc :
- de comptabiliser dès 2013 dans le compte 416 clients douteux l’intégralité de cette créance client,
- de constater en charge les dépréciations successives, soit :
- 3.000 euros à la clôture de 2013
- 4.000 euros supplémentaires en 2014
- d’annuler cette provision en 2015, puisque, le litige prenant fin, la perte n’est plus probable mais devient définitive.
Écriture de dépréciation d’un compte client
Les écritures comptables qui correspondent à notre exemple précédent sont comptabilisées à la date de clôture mais en tenant compte de toutes les informations disponibles au moment de cette clôture (jusqu’au mois d’avril de l’année suivante le plus souvent).
En effet, les provisions entraînent l’enregistrement de charges au compte de résultat, charges fiscalement déductibles. Aussi, seules les charges justifiées peuvent être comptabilisées. Le simple retard de paiement d’un client, pour lequel une seule relance a été envoyée par exemple, ne peut ainsi pas faire l’objet d’une dépréciation.
Reclassement du compte client (du 411 au 416)
L’intégralité de la créance du client litigieux est isolée dans le compte 416 de clients douteux. Il s’agit du montant TTC car, de la même façon que le montant HT de la facture, la TVA risque elle aussi de ne pas être réglée par le client.
Journal | n° pièce |
Date pièce | n° compte |
Libellé du compte | Libellé de l’écriture | Débit | Crédit |
OD | Clients douteux | 31/12/13 | 411000 | Clients | Reclassement F2013024 M. Mesdon | 41.860,00 | |
OD | Clients douteux | 31/12/13 | 416000 | Clients douteux | Reclassement F2013024 M. Mesdon | 41.860,00 |
Dépréciation clôture 2013
Suite à l’identification de la créance douteuse, la perte justifiée (litige écart devis-facture) estimée sur cette créance est comptabilisée. Cette perte figurera dans le compte de résultat de l’entreprise. Comme toutes les charges et tous les produits, cette dépréciation est comptabilisée pour son montant HT.
Journal | n° pièce |
Date pièce | n° compte |
Libellé du compte | Libellé de l’écriture | Débit | Crédit |
OD | DAP Clients douteux | 31/12/13 | 681100 | Dotations aux provisions pour dépréciation des clients | Dépréciation F2013024 M. Mesdon | 3.000,00 | |
OD | DAP Clients douteux | 31/12/13 | 491000 | Provision pour dépréciation des clients | Dépréciation F2013024 M. Mesdon | 3.000,00 |
Dépréciation clôture 2014
Sur la base de la demande de l’avocat du client M. Mesdon, et du fait que le montant de cette demande semble justifié, la dépréciation sur cette créance litigieuse est ajustée. La perte attendue n’est plus de 3.000 euros mais de 7.000 euros. La perte supplémentaire par rapport à celle estimée en 2013 est donc de 4.000 euros.
Journal | n° pièce |
Date pièce | n° compte |
Libellé du compte | Libellé de l’écriture | Débit | Crédit |
OD | DAP Clients douteux | 31/12/14 | 681100 | Dotations aux provisions pour dépréciation des clients | Ajustement DAP F2013024 M. Mesdon | 4.000,00 | |
OD | DAP Clients douteux | 31/12/14 | 491000 | Provision pour dépréciation des clients | Ajustement DAP F2013024 M. Mesdon | 4.000,00 |
Dans le bilan 2014, cette créance douteuse apparaît pour son montant net, obtenu par différence entre son montant initial et les dépréciations successives comptabilisées.
ACTIF BILAN | ||||
Actif immobilisé 31/12/2014 | ||||
n° compte | Libellé | Valeur brute | Amortissement | Valeur nette |
416 | Clients douteux | 41.860 | 7.000 | 34.860 |
Reprise sur provision 2015
En 2015, l’entreprise est condamnée. Si elle ne fait pas appel, le règlement client interviendra pour un montant inférieur au total de la facture initiale et une perte définitive sera constatée. Quant au problème de la TVA (collectée initialement lors de l’émission de la facture, aucune régularisation n’étant intervenue depuis), il sera enfin solutionné. Ces écritures de perte sur créance irrécouvrable sont étudiées dans l’article suivant.
En ce qui concerne la provision, la perte probable, celle-ci doit être supprimée pour que l’on puisse enregistrer la perte réelle.
Cette reprise sur provision intervient en 2015 et permet d’annuler le compte n° 491 "Provision pour dépréciation des clients" qui a été constitué dans les écritures précédentes.
Journal | n° pièce |
Date pièce | n° compte |
Libellé du compte | Libellé de l’écriture | Débit | Crédit |
OD | RAP Clients douteux | 25/06/15 | 491000 | Provision pour dépréciation des clients | Reprise provisions sur F2013024 M. Mesdon | 7.000,00 | |
OD | RAP Clients douteux | 25/06/15 | 781100 | reprise sur provisions pour dépréciation des clients | Reprise provisions sur F2013024 M. Mesdon | 7.000,00 |
A l’actif du bilan n’apparaît plus alors aucune provision sur clients.
Un client n’a pas réglé une facture. Après relance, si ce non paiement est dû à un litige sur cette facture, la comptabilité doit anticiper la perte probable de l’entreprise, et constater une charge du même montant. Par ailleurs, cette facture client doit être isolée dans un compte de clients douteux.
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